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— Nom de Dieu ! Regardez-moi ça ! s’exclama Walter Trentkamp d’une voix rendue aiguë par l’incrédulité. Messieurs, il se passe la même chose partout !
Trentkamp, le directeur du FBI, Philip Berger, celui de la CIA, et le général Frederick House étaient postés devant les terminaux informatiques quand Caitlin Dillon et Arch Carroll débarquèrent. Des informations, textes et graphiques, arrivaient simultanément sur plusieurs écrans.
Voyant Caitlin et Carroll traverser précipitamment la salle allouée à la cellule de crise, Berger fronça les sourcils.
— Des rapports urgents affluent depuis un quart d’heure, vingt minutes, expliqua-t-il. Depuis trois heures et demie, heure d’ici. Ils ont mis quelque chose en branle. Il se passe quelque chose. Dans le monde entier, cette fois-ci.
À une heure, heure de Paris, la Compagnie des agents de change fut fermée sur ordre officiel du président de la République française.
Les transactions furent immédiatement suspendues à la Bourse. L’indice CAC 40 avait perdu plus de trois pour cent en une matinée.
Les gros titres des journaux français du soir étaient les plus sinistres qi aient été composés depuis quarante ans :
LE MARCHÉ AU BORD DE LA PANIQUE !
KRACH BOURSIER !
LA BOURSE SENS DESSUS DESSOUS !
DÉSASTRE FINANCIER !
Pourtant pour une fois, les quotidiens étaient en dessous de la vérité.
La confusion la plus totale régnait à la Bourse de Francfort, qui parvint néanmoins à rester ouverte jusqu’à la clôture réglementaire de la séance.
L’indice de la Commerzbank était tombé sous la barre des mille pour la première fois depuis 1982.
On comptait la Westdeutsche Landesbank, Bayer, Volkswagen et Philip Holzman au nombre des plus gros perdants de la journée.
Toutefois, aucun des économistes d’Allemagne de l’Ouest n’aurait su dire pourquoi les cours s’effondraient ; ni jusqu’à quel point la chute était susceptible de se poursuivre.
La Bourse de Toronto fut l’une des plus touchées dans le monde.
L’indice composite de trois cents valeurs dégringola de 155 points.
Les volumes de transactions atteignirent de nouveaux records jusqu’à la fermeture officielle de la Bourse canadienne, à treize heures.
À Tokyo, l’index Nikkei-Dow Jones fluctua toute la journée et clôtura finalement à 9 200, ce qui représentait une baisse conséquente de deux et demi pour cent en une séance.
Les sociétés les plus affectées furent celles qui traitaient principalement avec le Moyen-Orient, parmi lesquelles Mitsui Petrochemical, Sumitomo Chemical et Oki Electric.
D’importants dépôts européens et américains firent de la Bourse de Johannesburg la seule gagnante apparente sur l’ensemble du marché mondial. L’encaisse or s’y négocia brusquement à mille dollars l’once. Le rand s’apprécia instantanément à un dollar cinquante.
Des centaines de millions de dollars furent empochés en Afrique du Sud. Des soupçons planèrent, mais aucune réponse satisfaisante n’émergea.
Londres ferma inopinément à midi, soit trois heures et demie avant l’heure de clôture normale.
L’indice des sept cent cinquante sociétés établi par le Financial Times avait perdu près de 90 points. Il avait chuté de pratiquement 200 points depuis l’attentat de Green Band à New York.
L’atmosphère dans le quartier financier de Threadneedle, à proximité de la Bank of London, était presque aussi sombre et désespérée qu’à Wall Street, ravagé par les bombes.
Avec ses consoles téléphoniques informatisées dotées de dizaines de touches, la salle de la cellule de crise du numéro 13 de Wall Street, Manhattan, commençait à prendre de faux airs du vaisseau spatial Enterprise. Personne, parmi la trentaine d’experts de la police, de l’armée et de la finance réunis dans la pièce, n’avait cependant la moindre idée des mesures à prendre.
Le système économique occidental s’était manifestement interrompu, brutalement et pour une durée indéterminée.
Et Green Band leur opposait toujours un silence assourdissant.